classée dans la thématique Constitution

Version 157

archivée le 29/10/2022
Constitution de la dL
Cette réforme constitutionnelle propose principalement la suppression du Parlement, du Président de la République et du Premier ministre. Leurs compétences sont transférées à une plateforme sur internet animée par la société civile, qu'on appelle le Forum. Ce dernier est donc chargé de la production de la loi. Cette réorganisation permet un recours massif au référendum pour la prise de décision.

Motifs

Le projet Démocratie libre - ou la dL - tient son nom d'une inspiration du mode de développement des logiciels libres ou de projets tels que Wikipedia. Ils ont démontré de façon spectaculaire l'efficacité de la collaboration de masse sur Internet pour réaliser des projets complexes et de grande ampleur, tel que le développement de systèmes d'exploitation ou la rédaction d'une encyclopédie. Ce projet cherche à recourir à la collaboration de masse dans le domaine politique, pour l'élaboration des lois.

Cet objectif est rendu réalisable grâce aux moyens de communication apparus dans les dernières décennies. Ce projet naît de la conviction qu'internet est l'outil le plus adapté pour organiser la vie politique. Il est idéal pour mettre en place des débats car l'accès à l'information est rapide et simple, ce qui permet notamment de sourcer ses propos efficacement. De plus il ne nécessite pas une présence physique constante à la différence d'une discussion de vive voix : un forum de discussion permet à chacun des intervenants de reprendre le fil du débat quand il le veut. Enfin il permet d'automatiser des tâches qui demanderaient un travail considérable et laborieux dans le cadre d'un traitement par des humains. Dans le cas que l'on considère, il s'agit de la gestion des interactions et la coordination du travail d'une assemblée constituée de millions d'intervenants potentiels.

La dL vise à proposer une organisation politique alternative au système représentatif. Elle a pour intention la mise en place d'un système donnant aux citoyen(ne)s et aux organisations de la société - associations, sociétés, institutions publiques etc - des moyens directs d'expression politique, en limitant le recours à la représentativité par des élus. L'idée est de rendre ainsi le domaine politique plus transparent, et de diversifier les milieux impliqués dans l'organisation de la société.

Afin de réaliser cela, une réorganisation de l'administration centrale de l'État est nécessaire. Cette nouvelle structure viendrait remplacer le Parlement (Assemblée nationale et Sénat), le Président de la République et le Premier ministre. Sauf mention contraire, tout autre statut ou institution de la Vème République est maintenu, notamment les institutions décentralisées telles que les collectivités territoriales, ainsi que le pouvoir judiciaire. De même les institutions supranationales ne sont pas concernées. Les citoyen(ne)s seraient donc toujours consultés pour l'élection de leur maire ou de leur député européen.

Les principales institutions permanentes du système proposé sont composées du Forum, de l'Administration centrale et des ministères. Le Forum désigne le système informatique permettant de coordonner le travail des acteurs du système proposé. Les ministères prennent une forme très similaire à celle des ministères de la Vème République, leur principale fonction étant la gestion quotidienne des services d'État tels que la Police, l'Éducation nationale, le système de santé publique… De manière générale, la plupart des institutions qui seront introduites ont des compétences similaires sous la Vème République. Dans ce cas on conserve leur nom. Cette démarche cherche à témoigner du souci porté à présenter un système dans la continuité de la Vème République.

On considère que le principal objectif du système politique est de formuler auprès de ces services des instructions permettant à la société d’être organisée de la manière la plus proche possible de celle souhaitée par ses citoyens. Ces services sont censés par la suite faire respecter ces instructions par les citoyens et les organisations (associations, sociétés, institutions publiques…).

L'élaboration et la sélection de ces instructions se fait au travers de trois étapes :

  • La formulation de ces instructions est confiée aux citoyens et aux organisations sous forme de projets politiques : ce qu'on appelle les propositions. Elles sont publiées et classifiées sur le Forum.
  • La sélection des propositions est également assurée au travers du Forum. C'est durant cette étape que l'ensemble des citoyens est consulté au travers d'un vote. Les propositions qui en ressortent sont adoptées.
  • L'exécution des propositions est l'étape durant laquelle les propositions adoptées sont réalisées et traduites sous forme d'instructions aux services d'État. Elle est assurée conjointement par les groupes d'exécutants, qui sont des instances temporaires chargées de l'exécution d'une proposition particulière, et les ministères.

Ce qu'on appelle "société civile" désigne les citoyen(ne)s ainsi que les organisations, qu'elles soient publiques ou privées, commerciales ou non (associations, sociétés, institutions publiques…). Le droit de vote est cependant réservé aux citoyen(ne)s.

I - Les acteurs du système

I.I - Les citoyen(ne)s

Sous la Vème République, on demande en général au citoyen de se prononcer sur l'élection d'un représentant. Il vote pour un programme politique regroupant un ensemble de projets couvrant l'ensemble des thématiques politiques, et pour la personnalité et le parti qui portent ce programme.

Dans le système considéré, il lui est proposé de se prononcer sur des projets particuliers, et même de les rédiger par lui-même. Il dispose donc de moyens plus riches pour exprimer sa vision personnelle de la société. On lui propose en quelque sorte de composer son propre programme politique.

Il est beaucoup plus consulté que sous le système actuel. Bien sûr il n'est pas question de lui imposer de se prononcer à chaque fois qu'une décision doit être prise, pas plus qu'il n'est question d'attendre l'avis de tous les citoyens pour prendre une décision.

L'expression des citoyens se fait au travers du Forum :

  • Ils sont chargés - en parallèle des organisations - de rédiger des propositions qui sont publiées sur le Forum.
  • Ils permettent, grâce à leurs votes, de sélectionner les propositions qui sont adoptées.

Tout citoyen est libre de participer de ces deux manières. Ainsi, aucune décision ne se fait sans l’aval des citoyens. Le citoyen est à l’origine de la proposition et il la décide. Ce qui n’est pas le cas dans le système actuel. Dans notre projet, il ne s’investit pas pour des projets vagues et des idées générales, mais pour des propositions concrètes.

Le Forum impose aux citoyens une activité anonyme. Dans leur propre intérêt, il ne permet pas que soit divulgué publiquement une opinion politique personnelle.

I.II - Les organisations

Les organisations désignent de façon large les acteurs de la société qui ne sont pas des individus. Ce qui inclut notamment les associations, les entreprises, les institutions publiques etc. Autrement dit les personnes morales selon le terme juridique.

L'expression des organisations se fait, comme pour les citoyens, au travers du Forum. Elles peuvent y déposer leurs propositions, cependant elles ne participent pas à leur sélection. Elles n'ont pas de droit de vote et elles n'ont pas la possibilité - contrairement aux citoyens - d'agir sur le Forum de façon anonyme.

On peut supposer que les organisations participent de façon active sur le Forum puisqu'on s'attend à ce que l'activité de lobbying politique se reconvertisse majoritairement sous cette forme. D'autre part, la complexité de la rédaction des propositions incitera probablement les citoyen(ne)s à s'organiser collectivement pour porter leur projet.

Les partis politiques sont supprimés. Bien sûr les regroupements politiques sont autorisés mais ils sont structurés sous la forme d'associations, sans statut ni financement particulier.

I.III - Le Forum

Le Forum est une plateforme de communication fondée sur un programme informatique accessible au travers d'un réseau tel qu'internet. Il permet à ses utilisateurs - les citoyens et les organisations - de publier leurs propositions, et ouvre des espaces de discussion et de travail autour de ces dernières. Il prend donc une forme très similaire à celle d'un réseau social traitant de la politique.

Le rôle du Forum est d'organiser la production et la classification de ces propositions et de faire émerger celles qui sont représentatives d'une aspiration des citoyens. Pour ce faire il automatise plusieurs procédures - recourant notamment au vote des citoyens - permettant la sélection des propositions. Il a donc un fort pouvoir de décision, puisqu'il concentre tout le pouvoir d'initiative législative.

Les propositions qui sont adoptées sont ensuite transmises en tant qu'instructions au pouvoir exécutif. Ainsi il établit le pont entre les organisations et les citoyens, et le pouvoir exécutif.

Les citoyens - outre la publication de leurs propositions - peuvent annoncer leur soutien aux propositions qu'ils jugent pertinentes, ou leur rejet des propositions qui ne correspondent pas à leurs valeurs. Ils constituent ainsi en quelque sorte leur propre programme politique.

Le Forum leur permet de suivre l'actualité politique et d'accéder à une documentation détaillée sur le fonctionnement de l'État : fonctionnement des organismes d'État, budgets, droit, données statistiques etc.

Le Forum est donc une instance particulière par plusieurs aspects. D'une part c'est un acteur majeur du système puisqu'il a pour tâche de décider des instructions transmises au pouvoir exécutif. D'autre part son caractère immatériel et impersonnel est troublant.

L'Administration du Forum, qui est un service de l'Administration centrale, est chargée de deux missions essentielles à son bon fonctionnement :

  • La maintenance et la sécurité du Forum. C'est un problème technique qui nécessitera un fort investissement et une veille constante. La fiabilité du Forum est une condition nécessaire pour que tous les acteurs aient confiance dans le système.
  • La modération du Forum, qui est cruciale pour le bon déroulement des débats, et pour fournir un espace de travail efficace.

Le règlement du Forum a valeur constitutionnelle.

I.IV - Les groupes exécutants

Les groupes exécutants sont des acteurs temporaires du pouvoir exécutif.

Lors de la rédaction d'une proposition, ses auteurs doivent prévoir la composition d'une équipe chargée de sa mise en place dans le cas où elle serait adoptée par le Forum, ce qui constitue le groupe exécutant de la proposition. On imagine bien qu'en général le(s) auteur(es) d'une proposition souhaiteront également participer à sa mise en place, et on voit mal qui serait mieux placé pour remplir cette tâche. Mais ils pourraient par exemple demander le recrutement d'une ou de plusieurs personnes extérieures à la rédaction du projet qu'ils jugeraient utiles pour sa mise en place. C'est également aux auteurs de la proposition que revient la décision de l'organisation interne de ce groupe, et en particulier du choix du mécanisme de prise de décision au sein de ce groupe.

Un groupe exécutant est donc créé à chaque loi promulguée par le Forum afin d'assurer son exécution.

Les groupes exécutants s'adressent aux ministères concernés pour financer et mettre à disposition les services d'État nécessaires à l'exécution de leur loi. Les ministères doivent se soumettre à leurs demandes du moment qu'elles sont légitimes par rapport à ce qui a été validé par le Forum, et donc par les citoyens. On peut remarquer que plus la loi promulguée aura été rédigée de façon précise, plus la marge d'interprétation sur l'étendue des pouvoirs laissés au groupe exécutant sera étroite.

L'État prend en charge le dédommagement des individus faisant partie d'un groupe exécutant pour l'éventuel arrêt de leur activité professionnelle pendant la période de leur mission.

Une fois que l'exécution de la loi est finalisée et qu'elle est incluse de façon permanente dans la politique de l'État le groupe exécutant qui lui est associé est dissout.

I.V - Les ministères

L'originalité principale du système proposé par la dL repose sur les prises de décisions sur des questions structurelles. Ces dernières peuvent être traitées directement par le Forum, au travers de la procédure qu'on appelle normale qui sera détaillée plus loin. Cette procédure est lente car elle traite d'évolution au long terme de la sociéte. Les affaires courantes, la maintenance des services de l'État, certaines décisions urgentes ou ne relevant pas d'un calendrier prédéterminé - comme par exemple les affaires diplomatiques - ne peuvent pas être traitées correctement par cette procédure. Il semble donc indispensable de conserver des institutions permanentes en parallèle du Forum, dont le but est de gérer ce type de décisions. Les procédures de prise de décisions doivent y être plus simples et plus rapides que la procédure normale. La difficulté est que cette exigence d'efficacité ne doit pas conduire à une perte complète du caractère démocratique des décisions.

I.V.I - Composition

La dL conserve la structuration en ministères tel qu'elle est sous la Vème République. Chaque ministère dispose d'un domaine de compétence (éducation, finances, affaires étrangères…) L'ensemble des compétences de chaque ministère couvre tout le domaine de compétence de l'État.

La formation du Gouvernement sous la Vème République est en contradiction avec plusieurs principes de la dL.

Premièrement, sous la Vème République, chaque ministre est seul responsable des décisions de son ministère, ce qui entre en contradiction avec le fait qu'on ne souhaite pas une personification trop importante du pouvoir, et qu'on souhaite limiter la professionalisation des instances de décisions. La dL propose, en remplacement des ministres, la mise en place de directions politiques dans les ministères (cf Fig. XXX), dont les décisions sont prises de manière collégiale, plutôt qu'elles ne relèvent que d'un individu.

Deuxièmement, les membres du Gouvernement sous la Vème République sont nommés, alors que notre projet souhaite proposer un système politique sans recourrir à la nomination. Partant de ce principe, il faut donc trouver d'autres moyens pour recruter sur ces postes de direction. Utiliser des méthodes de recrutement standard (entretien, examen, concours, promotion interne) mènerait à ce que la classe politique professionnelle ait une main mise totale sur ces postes de décision. Ce mode de recrutement pourrait même paraître moins démocratique que sous la Vème République. Afin de pallier à ce problème, on intègre dans le collège formant la direction politique d'un ministère des individus issus directement de la population, recrutés par tirage au sort. Un tirage au sort réalisé en respectant la répartition statistique de la population (âge, sexe, catégorie sociale, territoire…) permet d'intégrer dans ces organes de décision des catégories de la population sous-représentées sous la Vème République. Cette intégration d'individus non-professionnels apporte des points de vue plus précis et plus variés sur la société que l'unique point de vue de la classe politique. Elle permet également un dialogue plus serein entre les directions ministérielles et l'ensemble de la population. Il est en effet probable que la majorité de la population se sente plus en confiance et comprenne mieux un discours issu d'un membre du collège tiré au sort que d'un professionnel de la politique. On espère donc qu'il permette de restaurer une confiance entre le pouvoir exécutif et la population. De plus, les membres de ce panel non-professionnel n'ont aucun moyen de renouveler leur mandat, ils semblent donc difficile à corrompre. Finalement, ce panel non-professionnel agit également comme un observateur extérieur au sein des organes de décision et il permet d'apporter un regard critique extérieur qui maintient ces institutions sous surveillance.

LA DIRECTION POLITIQUE D'UN MINISTÈRE

I.VI - L'Administration centrale

L'Administration centrale ne désigne pas une institution particulière mais plutôt un groupement d'administrations nécessaires au bon fonctionnement du système.

Lorsque de premier abord on envisage un système de démocratie directe, deux craintes principales se présentent : l'incompétence de la population et le manque de moyens de contrôle de ses décisions. Ces institutions sont mises en place pour pallier à ces problèmes.

L'Administration centrale est composée de 4 organismes dont les rôles sont répartis comme suit.

I.VI.I - L'Administration du Forum

L'Administration du Forum est chargée de sa maintenance et de son développement. Elle fournit les solutions techniques pour la réalisation du Forum. Elle a pour tâche de veiller à ce qu'il soit conforme aux attentes exigées par la Constitution et doit faire respecter son règlement. Elle est donc en particulier responsable de sa sécurité et du bon déroulement des débats, autrement dit de sa modération.

I.VI.II - Le Conseil du Forum

Le Conseil du Forum, composé principalement de techniciens juridiques, est chargé de vérifier la régularité juridique des propositions adoptées par le Forum, notamment quant au respect de la hiérarchie des normes. Par exemple, une proposition issue du Forum ne peut pas contredire le droit européen, car celui-ci est considéré comme étant de hiérarchie supérieure. Dans le cas où le Conseil du Forum soupçonne qu'une proposition soit contraire à la Constitution - également de hiérarchie supérieure, sauf dans le cas d'une révision de la Constitution elle-même - il saisit le Conseil constitutionnel.

Il doit systématiquement donner son accord à la forme finale des propositions avant la consultation des citoyens.

Il a également pour mission d'assister juridiquement les auteurs de propositions dans leur rédaction, de façon à produire des textes recevables par l'administration de l'État. Il organise donc un service d'assistance pouvant être consulté de façon permanente par les citoyens et les organisations.

Le Conseil du Forum a donc une fonction analogue à celle du Conseil d'État sous la Vème République, dans sa fonction de conseiller au gouvernement. Le Conseil d'État - dans la Constitution de la dL - perd donc cette fonction mais il reste l'échelon suprême de la juridiction administrative. Cette séparation du Conseil d'État sous la Vème République en deux institutions - Conseil du Forum et Conseil d'État - est nécessaire pour qu'il ne soit pas amené à juger de sa propre action, ce qui sera justifié plus loin.

I.VI.III - Le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel est chargé de vérifier que les propositions adoptées par le Forum sont en accord avec la Constitution. Son rôle est donc très similaire à celui qui lui est donné sous la Vème République.

Il est composé de 9 juristes recrutés sur concours. Leur mandat est valable 5 ans. On renouvèle les deux membres les plus anciens tous les ans.

I.VI.IV - La Cour des comptes

La Cour des comptes est chargée de vérifier que les propositions adoptées par le Forum présentent un cadre budgétaire réaliste par rapport aux finances publiques.

Elle organise également un service d'assistance aux rédacteurs de propositions pour les aider à budgétiser leurs projets.

Elle doit systématiquement donner son accord à la forme finale des propositions avant la consultation des citoyens.

I.VII - La justice administrative

La justice administrative, tout comme sous la Vème République, a pour rôle de trancher les conflits qui concernent l'administration de l'État. Elle juge notamment les conflits entre les acteurs précédemment cités, et peut être saisie par n'importe lequel d'entre eux.

Son organisation n'est pas modifiée par rapport à la Vème République.

I.VII.I - Le Conseil d'État

Le Conseil d'État reste la plus haute juridiction de la justice administrative. Cependant il perd son rôle de conseiller du Gouvernement.

Il est naturel de penser dans un premier temps que le Conseil d'État remplisse également le rôle de Conseil du Forum, qui est analogue à celui de conseiller du Gouvernement, qu'on lui attribue sous la Vème République. Mais si tel était le cas, le Conseil d’État jugerait lui-même ses conflits avec les citoyens (par exemple au sujet d’une proposition qu’il aurait rejetée)… D'où la nécessité de la création du Conseil du Forum comme institution indépendante du Conseil d'État.

II - Organisation de l'expression des acteurs

La première partie a permis de faire une première présentation des principaux acteurs du système politique proposé. Cette seconde partie présente de façon plus détaillée comment s'organise le travail de ces acteurs de façon à produire des décisions et à réaliser des projets politiques représentatifs des aspirations des citoyens.

II.I - L'arbre des thématiques

L'arbre des thématiques est l'élément central du Forum. Son rôle est de structurer et de centraliser l'expression des acteurs du système. Il propose une décomposition des compétences de l'État en thématiques, ce qui permet de classifier les propositions des utilisateurs du Forum en fonction du sujet abordé.

On utilise trois niveaux pour partitionner les domaines d'action de l'État, du plus large au plus précis :

  • par racine
  • par mission
  • par programme

On dénombre environ 10 racines, 50 missions et 200 programmes. À chaque racine est rattachée une ou plusieurs administrations centrales, en général un ministère.

Cette structuration a également un grand intérêt au niveau budgétaire, puisqu'elle permet de clarifier la répartition du budget annuel de l'État dans les différentes thématiques.

La décomposition proposée par l'arbre des thématiques est directement inspirée de ce qui est fait dans les lois de finances sous la Vème République. On peut donc se faire une idée précise de ce à quoi il ressemble en consultant l'État B des lois de finances, qui résume la partie dépensière du budget de l'État (voir par exemple pg 210 de la Loi de finances pour 2020). On y trouve par exemple la mission Défense, une des principales missions en termes de budget, dotée d'environ 50 milliards d'euros. Elle est subdivisée en 4 programmes : Environnement et prospective de la politique de défense, Préparation en emploi des forces, Soutien de la politique de la défense et Équipement des forces.

Le site de la dL, qui est une simulation du Forum, propose donc un arbre des thématiques, dans lequel les utilisateurs peuvent publier leurs propositions.

Toutes les thématiques qui composent l'arbre, ne peuvent pas être traitées de manière strictement équivalente. On distingue deux catégories :

  • les thématiques normales ne sont pas soumises à un calendrier précis, ne revêtent pas un caractère urgent, et traitent de sujets relevant uniquement de la compétence nationale. Elles composent la grande majorité des thématiques. Elles fixent les grandes orientations structurelles de la politique nationale. Ces thématiques sont traitées en suivant la procédure normale. En particulier, l'ordre dans lequel elles sont votées est choisi de manière aléatoire. Cette procédure sera détaillée par la suite dans la section dédiée à la procédure d'adoption des propositions.
  • les thématiques spéciales nécessitent des prises de décisions fortement imposées par le calendrier. On ne peut donc pas leur faire suivre la procédure de vote normale, elles suivent des procédures qui leurs sont propres. C'est le cas par exemple des affaires extérieures, dont le calendrier est imposé par la communauté internationale ou l'Union européenne, du vote du budget national (les lois de finances) qui doit être effectué tous les ans pour respecter les normes comptables, et des situations d'urgence telles que les catastrophes naturelles, les crises sanitaires, les guerres, les crises économiques, qui ne sont pas prévisibles et nécessitent des mesures exceptionnelles, notamment le recourt à l'emprunt.

En analysant brièvement les titres des lois promulguées par le Parlement, on peut estimer que 60 à 70% de celles-ci relèvent de thématiques normales.

II.II - Les propositions

Une proposition est un ensemble de textes qui décrit un projet politique.

Elle est publiée sur le Forum par son auteur et classée dans une thématique qui correspond à son objet. Un des intérêts du Forum est de fournir une plateforme qui recense et classe les propositions afin de les faire évoluer et de pouvoir les comparer facilement.

L'auteur d'une proposition peut être un citoyen (personne physique) ou une organisation (personne morale).

L'objectif d'un auteur est de défendre sa proposition devant les citoyen(ne)s afin que celle-ci soit promulguée comme loi par le Forum.

Une proposition peut par exemple traiter :

  • d'un corps de fonctionnaires
  • de la création d'un établissement public ou d'un organisme
  • de la modification d'un code juridique
  • de la construction d'une infrastructure publique
  • des recettes et dépenses de l'État (dans le cas particulier d'une proposition de loi de finance)
  • de dispositions pénales
  • d'une modification de la Constitution …

Dans sa forme finale, une proposition est analogue aux dossiers législatifs qui sont produits par le Parlement et le Gouvernement sous la Vème République. On peut les trouver sur le site Légifrance. De même que ces derniers, elle se décompose principalement en deux parties :

  • les motifs : cette partie présente le projet dans un langage qui doit être le plus accessible possible. L'auteur y présente l'état actuel du droit sur l'objet de sa proposition et les arguments qui l'amènent à vouloir le modifier. Il présente également un planning détaillé de la procédure de mise en place de sa proposition ainsi qu'une évaluation de son coût financier et en temps de travail. Cette partie comprend également les motifs article par article des dispositions de la seconde partie. Cette première partie n'a pas de valeur juridique propre. Pour faire l'analogie avec les dossiers législatifs sous la Vème République, il s'agit des différents rapports, études d'impacts, motifs… qui sont fournis par les porteurs d'une proposition ou d'un projet de loi devant le Parlement. Son style d’écriture est donc plutôt libre et, si les motifs doivent être clairs, ils ne doivent pas être écrits d’une manière spécifique. Contrairement aux dispositions de la seconde partie.

  • les dispositions par articles : cette partie correspond au texte législatif qui sera potentiellement voté. Elle a donc, contrairement à la première partie, une valeur juridique propre. Elle est tout à fait analogue à la première idée qu'on se fait d'un texte de loi. Elle est décomposée par articles pour structurer le texte, mais aussi afin que ceux-ci puissent être amendés par les autres utilisateurs. C'est-à-dire qu'ils puissent proposer une nouvelle rédaction d'un article, voire proposer d'en ajouter un. Le plus fréquemment, un article va modifier un code juridique (par exemple le Code civil). Afin de mieux structurer le texte, la proposition peut également être subdivisée en titres, chapitres… Cette partie est la plus difficile à rédiger car elle nécessite de fortes compétences juridiques. Les auteurs peuvent profiter d'une part de l'aide des autres utilisateurs du Forum intéressés par leur projet, d'autre part d'une assistance juridique continue fournie par un service du Conseil du Forum. Enfin dans cette partie est nécessairement mentionnée la procédure d'exécution de la proposition. Cette procédure détaille chronologiquement les étapes pour sa mise en place dans le cas où elle serait promulguée comme loi, ainsi que la composition et l'organisation de son groupe exécutant, qui ferait autorité dans le cadre de son exécution.

Le travail de rédaction n'est pas rémunéré par l'État. On ne fixe pas de contrainte quant au nombre de personnes chargées de rédiger une proposition. Il peut aussi bien s'agir d'un individu isolé qui y consacre une partie de son temps libre, que d'une organisation qui la fait rédiger par des salariés.

Les citoyens publient sous un pseudonyme imposé par le Forum qui ne fait pas référence à leur identité réelle. Ils peuvent donc conserver un certain anonymat. En revanche les organisations publient nécessairement sous leur propre identité.

Les propositions publiées sont déposées sous une licence type Creative Commons, pour permettre une réutilisation simple par d'autres utilisateurs.

Pour en savoir plus sur la rédaction d'une proposition : Tutoriel pour la rédaction d'une proposition

II.II.I - La validation d'une proposition

Lorsque l'auteur d'une proposition estime qu'elle a une forme intéressante, ils peut saisir l'Administration centrale pour la soumettre à sa validation. Cette dernière est chargée de juger du sérieux de sa démarche, et de vérifier que les critères de définition d'une proposition sont respectés. Ce jugement ne doit pas porter sur la valeur politique du projet, qui sera jugée par les citoyen(ne)s, mais sur le respect de la forme d'une proposition.

Cette procédure passe d'abord par le Conseil du Forum, qui vérifie que les motifs de la proposition sont suffisamment clairs et détaillés. Il vérifie également que les dispositions proposées relèvent de la compétence de l'État, et qu'elles ne contredisent pas les normes supérieures telles que le droit européen ou international. Le Conseil constitutionnel vérifie pour sa part que la proposition ne contredit pas le droit constitutionnel. Enfin, la Cour des comptes vérifie que les dispositions financières de la proposition sont compatibles avec l'équilibre des finances publiques.

Dans le cas où une proposition ne passerait pas l'examen de ces institutions, celles-ci doivent rendre un rapport public justifiant leur refus ainsi que leurs recommandations à l'auteur pour améliorer sa rédaction.

À partir du moment où la proposition a passé cette validation, les citoyens peuvent exprimer leur positionnement (soutien ou rejet) à l'égard de la proposition.

II.II.II - Les soutiens des citoyen(ne)s

Une fois qu'une proposition est validée, les citoyens peuvent exprimer leur positionnement à l'égard de celle-ci, sans toutefois s'engager dans sa mise en application. Un soutien donne un point à la proposition tandis qu'un rejet lui retire un point. La somme de ces points donne le nombre de soutiens à la proposition, qui peut donc être négatif dans le cas où la proposition recueille plus de rejets que de soutiens.

Afin d'éviter un effet boule de neige qui inciterait les utilisateurs du Forum à lire en priorité les propositions les plus soutenues, on n'affiche pas à l'utilisateur le nombre de soutiens qu'une proposition a obtenus. Pour les mêmes raisons l'ordre de classement des propositions dans chaque thématique doit être modifié régulièrement de façon aléatoire.

Ce nombre de soutiens intervient dans la procédure d'adoption des propositions.

II.II.III Le financement d'une proposition

D'un point de vue budgétaire, on peut distinguer 2 catégories de propositions en fonction de leur impact sur les recettes de l'État : les propositions dépensières et les propositions de ressources.

LES PROPOSITIONS DÉPENSIÈRES

Les propositions dépensières vont accroître les dépenses de l'État ou de la Sécurité sociale. Afin d'éviter une dérive budgétaire, il est crucial de contraindre l'auteur d'une proposition à détailler les modalités de financement de son projet. On rappelle qu'il peut demander assistance au service dédié de la Cour des comptes pour réaliser cette tâche. Cette contrainte est appliquée concrètement lors de la demande de validation de la proposition. C'est la Cour des comptes qui est chargée de juger de la cohérence de la stratégie de financement, avant que la proposition ne puisse être soumise au vote des citoyens.

Exemples :

  • Construction d'une infrastructure de transport.
  • Augmentation du nombre d'enseignants ou de leur salaire.
  • Suppression ou diminution d'un impôt (proposition dépensière fiscale).

Toute dépense de l'État est classifiée dans un programme, qui correspond à une ligne budgétaire. Par conséquent, une proposition dépensière - à l'exception d'une proposition dépensière fiscale - devra nécessairement s'intégrer dans un programme. Plusieurs options se présentent alors à l'auteur.

Si aucun programme existant ne correspond au sujet de sa proposition, il peut choisir de créer un nouveau programme. Le financement de ce nouveau programme peut alors se faire :

  • en diminuant la dotation d'un autre programme - voire en le supprimant - et en transférant sa dotation sur le nouveau programme.
  • en augmentant les ressources de l'État.

S'il décide d'intégrer sa proposition dans un programme existant :

  • l'auteur peut décider que l'adoption de sa proposition mènerait à l'augmentation de la dotation du programme. Il peut pour cela utiliser l'un des deux mécanismes proposés plus haut dans le cas d'une création d'un nouveau programme.
  • soit l'auteur justifie que la dotation du programme hôte ne doit pas être modifiée. Dans ce cas les autres actions du programme verront leur dotation diminuer. C'est au responsable de programme de gérer cette situation. Dans ce cas il s'agit d'une réorganisation interne d'un programme qui n'a aucune conséquence sur les autres programmes de l'État.

Le mécanisme qu'on vient de détailler a pour but de contraindre l'auteur d'une proposition dépensière à confronter le gain espéré du projet aux conséquences négatives qu'entraînerait sa mise en place, c'est-à-dire la fermeture d'autres programmes ou l'augmentation des impôts.

Quelle que soit la stratégie de financement adoptée par l'auteur, elle devra être détaillée dans une proposition de ressources.

LES PROPOSITIONS DE RESSOURCES

Les propositions de ressources permettent d'accroître les recettes de l'État - celles-ci étant principalement composées de l'emprunt et des impôts - ou de libérer des ressources.

Exemples :

  • Création d'un nouvel impôt, ou augmentation de l'assiette d'un impôt existant.
  • Diminution des embauches de fonctionnaires.
  • Diminution des ressources - voire suppression - d'un programme.

Ces propositions sont classées dans une thématique spéciale du fait que leur adoption ne suit pas la procédure normale. En effet, les propositions de ressources ne sont jamais mises en place de manière directe. De même qu'une proposition dépensière doit justifier de son financement, l'exécution d'une proposition de ressources doit être motivée par une action. Il existe 2 mécanismes pour la mise en place d'une proposition de ressources :

  • Le couplage à une proposition dépensière. Comme on l'a dit précédemment, toute proposition dépensière doit être couplée à une proposition de ressources, de façon à débloquer les ressources nécessaires à la mise en place de la proposition dépensière. Ainsi, lorsqu'une proposition dépensière est adoptée par le Forum, elle implique également l'adoption de la proposition de ressources qui lui est associée.
  • L'équilibrage d'une loi de finances. On rappelle que l'État est tenu par des engagements budgétaires au niveau européen au travers du Pacte budgétaire européen. Ce traité impose des limites de déficits budgétaires aux états signataires. De façon notamment à respecter cet engagement, la présentation d'un budget à l'équilibre justifie l'insertion de propositions de ressources dans une loi de finances.

II.III - La prise de décision : promulgation des propositions

Le Forum est ouvert de façon permanente, sur tous les sujets. À n'importe quel moment un citoyen ou une organisation peut y déposer une proposition dans la thématique de son choix. Chaque thématique contient donc des solutions variées à la problématique qu'elle pose, issues de différents milieux de la société et de différents points de vue. L'arbre des thématiques, ainsi agrémenté des propositions issues des citoyen(ne)s et des organisations, constitue une base de données organisée de projets politiques.

Cette étape de production et de classification des propositions est essentielle sur deux points :

  • elle permet de faire un recensement permanent et exhaustif des différentes opinions sur toutes les problématiques politiques. Ainsi le citoyen curieux n'a plus qu'à parcourrir les propositions d'une thématique pour mettre ses connaissances à jour efficacement sur ce sujet. De plus cette structuration offre un cadre clair pour comparer les propositions entre elles.
  • elle encourage l'expression argumentée des citoyens et des organisations. La liberté d'expression est quasiment totale. Les auteurs sont invités à présenter et à discuter leurs projets les plus fous. Cette tribune offre aux acteurs de la société l'opportunité d'exposer leurs idées publiquement de façon détaillée. C'est en invitant le citoyen a s'exprimer sur les sujets qui le touchent, quand bon lui semble, qu'on espère qu'il prenne goût à comprendre l'organisation de la société. Et c'est en faisant par lui-même qu'il se forme efficacement sur les questions politiques.

L'arbre des thématiques est donc un outil puissant qui offre un cadre clair d'expression et de dialogue entre les acteurs du système. Il fournit les conditions optimales pour permettre l'élaboration de projets politiques de grande qualité. Cependant, du fait de sa grande tolérance, favorisant la liberté d'expression, la contrepartie est qu'il peut contenir le meilleur comme le pire. Les propositions qu'il héberge sont de qualité très variable, et peuvent autant décrire des projets brillants que des projets totalement irréalistes, voire dangereux.

Le rôle du Forum ne se limite pas à offrir une tribune d'expression. C'est l'institution qui produit la loi. Il faut donc trouver les moyens pour filtrer cette production et en ressortir des décisions qui servent l'intérêt général.

Deux questions fondamentales sont abordées dans cette section :

  • Comment choisit-on le sujet qui va être examiné ? Dans quel ordre sont traitées les thématiques ?
  • Comment sélectionne-t-on parmi toutes les solutions proposées dans cette thématique celle qui sera mise en place ? Comment filtre-t-on les propositions pour élire celle qui sera adoptée ?

Les thématiques contenus dans l'arbre suivent toutes une chronologie cyclique, schématisée par la figure suivante. Chaque cycle est divisé en 5 périodes. La première période de désignation (I) permet de désigner la prochaine thématique qui va être considérée. Elle est suivie par une période d'examen (II) qui permet de présélectionner 5 propositions parmi celles classifiées dans la thématique. Ces 5 propositions sont alors soumises au vote (III) des citoyens lors de la troisième étape. Le résultat de ce vote mène à la promulgation de la proposition et à l'ouverture de la période d'exécution (IV) de la thématique. Elle se termine par une évaluation et une analyse des résultats de cette période d'exécution lors de l'audit (V). Dans cette section on aborde les trois premières étapes de ce cycle qui se concluent par la promulgation d'une proposition. On détaillera donc la procédure qui permet la prise de décision. Les étapes d'exécution et d'audit seront détaillées dans la section suivante.

II.III.I Désignation d'une thématique (étape I)

FIXER L'ORDRE DU JOUR

Fixer l'ordre du jour, c'est décider de l'ordre dans lequel les sujets vont être débattus et de l'ordre dans lequel les décisions vont être prises. C'est une question importante puisqu'elle détermine la priorité qui est donnée sur un sujet par rapport à un autre. Pourquoi cette thématique serait-elle prioritaire par rapport à une autre ? Comment décide-t-on de cet ordre de priorité ? On rappelle que dans le cadre de la dL les débats relatifs à toutes les thématiques ne sont jamais interrompus sur le Forum. On parle donc uniquement dans cette section de la prise de décision. Néanmoins on anticipe facilement que cet ordre du jour fixé par le Forum aurait une grande influence sur le débat public dans les media par exemple.

Sous la Vème République, c'est en pratique le Gouvernement qui détient ce pouvoir. Il décide donc du sujet des débats qui auront lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat, et de la majorité des textes qui vont être soumis au vote du Parlement. C'est dans la logique de cette constitution, qui donne de grands pouvoirs à l'exécutif. Le Gouvernement en pratique dicte les lois, et donc empiète largement sur le pouvoir législatif. La logique qui mène à ce système est de pouvoir légiférer rapidement pour que le gouvernement en fonction puisse mettre en place son programme et qu'on puisse en voir les conséquences dans le temps de mandat qui lui est imparti. Il pourra ainsi plaider en faveur de ses actions lors de la prochaine élection. C'est donc plutôt une considération de jugement du gouvernement en place qui dicte la façon dont est produite la loi, et non la recherche de la meilleure façon de produire des lois de qualité. Laisser le contrôle de l'ordre du jour au Gouvernement a des conséquences nuisibles à une production législative de qualité. Premièrement, le Gouvernement est fortement incité à fixer l'ordre du jour selon des considérations électoralistes ou de communication. Quel sujet dois-je aborder et de quelle façon pour inspirer une bonne image aux électeurs ? pour recevoir une bonne critique de tel media ? La production législative est mise au service de la communication du Gouvernement et basée sur des considérations de court terme, alors qu'elle devrait avoir une ambition universaliste et structurelle. L'exemple typique de ce type de comportement est d'accorder une réduction d'impôts juste avant la prochaine élection. Ce phénomène pousse également à délaisser certains sujets qui sont considérés comme inintéressants pour le grand public et donc sans intérêt électif. Enfin, le gouvernement souhaitant donner une image de travailleur acharné va brasser beaucoup de vent en produisant une grande quantité de lois sans fond. Deuxièmement, un autre effet regrettable est que la production législative puisse être effectuée sous le coup de l'émotion d'un événement de l'actualité. Par exemple le projet de déchéance de nationalité a été proposé trois jours après les attentats de Paris en 2015 ! On n'envisagerait jamais de laisser un individu prendre une décision critique alors qu'il est en état de choc. De même un bon système politique ne devrait pas permettre de pouvoir écrire la loi sous le coup de l'émotion. Cette envie de légiférer dictée par l'actualité est aussi bien sûr poussée par des motifs électifs, ou simplement par la pression de la population, elle crirait au scandale de voir un Gouvernement qui ne réagit pas face à un événement majeur de l'actualité. Il se peut qu'il faille une réponse rapide, mais ce ne devrait jamais être d'écrire une loi ! Finalement, cet ordre du jour fixé sans méthode précise et selon les envies du Gouvernement rend la prise de décision imprévisible et irrégulière, ce qui perturbe et démotive particulièrement ceux qui doivent les mettre en application, ou s'y soumettre. Négliger la qualité du droit sur le long terme mène à fragiliser la confiance des citoyen(ne)s envers l'État. Pourquoi devrais-je respecter une loi qui a été rédigée pour servir des intérêts personnels ?

C'est pourquoi dans le cadre de la dL on propose un système dans lequel l'ordre du jour n'est contrôlé par aucun acteur. On ne veut pas que l'actualité, ou les medias, ou des considérations électorales, dictent l'ordre du jour. On souhaite que ce soit le système politique qui dicte les sujets à considérer, et non que la loi soit écrite suite à des faits divers. On veut découpler l'ordre du jour de l'actualité de façon à prendre des décisions à froid et de façon rationnelle. Un moyen très simple pour le réaliser est de le déterminer de façon aléatoire, en sélectionnant aléatoirement à intervalle régulier les thématiques de l'Arbre qui seront soumises au vote. Ce choix de désignation aléatoire des thématiques peut paraître surprenant au premier abord. Rappelons déjà que de recourrir à l'aléatoire n'a rien de nouveau et qu'on y a recours actuellement dans notre société pour traiter de sujets très sérieux, comme par exemple pour désigner les jurés à la cour d'assises désigner les jurés à la cour d'assises, ou plus récemment pour la désignation des 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat. Le recours à l'aléatoire est pratique lorsqu'on cherche à faire un choix de façon objective. Ici, il permet de mettre toutes les thématiques sur un même pied d'égalité. De la sorte, on évite le risque d'un traitement démagogique des thématiques. Ce système force également les acteurs à traiter de la même manière les thématiques qui a priori ennuient tout le monde, ce qui ne veut pas dire qu'elles ne sont pas importantes !

FIXER LE RYTHME DE TRAVAIL

On rappelle qu'on traite dans cette section de la procédure normale pour traiter des décisions structurelles. On assume de proposer un système lent, car on cherche à proposer un système qui prend des décisions relatives à des systèmes très inertiels (système éducatif, système fiscal, système de retraite…). Il est donc important que la prise de décision soit lente. Étant donné la complexité des systèmes considérés, il faut un temps d'analyse long pour les comprendre et un débat démocratique long pour les expliquer. Ces temps ne sont pas compressibles si on veut produire des décisions de qualité. Suite à la mise en place d'une réforme du système considéré, il faut un temps long de façon à ce qu'il s'adapte à ce nouveau changement jusqu'à se stabiliser, jusqu'à ce que les agents qui travaillent dans ce système, ou les citoyen(ne)s qui bénéficient du service, aient pleinement intégrés la réforme. À partir de ce moment seulement peut être réalisé une analyse fiable des conséquences des mesures qui ont été prises. Prendre sans interruption des décisions sur un système qui évolue plus lentement que le rythme de prise des décisions a toutes les chances d'être complètement inefficace, car de nouvelles décisions sont prises alors même que le système n'a même pas eu le temps de s'adapter au changement précédent. Ce qui produit des conditions épouvantables pour analyser et contrôler ce qui est décidé. Les agents et les bénéficiaire du système en question se retrouvent submergés par des règles qui sont modifiées trop souvent et qui demandent un gros travail pour adapter son activité. Il est difficile pour un dirigeant d'entreprise de s'adapter à des règles fiscales qui sont modifiées trop souvent, ou pour un professeur de rédiger à nouveau son cours pour s'adapter à un nouveau programme. Vouloir être "réactif" sur de tels systèmes est une aberration, ils ont un temps propre d'évolution. Refuser de s'y adapter ne peut mener au mieux qu'à une grande inefficacité, au pire à les destabiliser. On propose donc un système qui force un traitement régulier de chaque thématique séparé par de longues périodes où aucune décision n'est prise relative à cette thématique.

STRUCTURE DE L'ARBRE ET DÉSIGNATION DES THÉMATIQUES

Pour illustrer de façon simple le fonctionnement de la désignation aléatoire des thématiques dans l'arbre, nous allons supposer que la dL est mise en place depuis un grand nombre d'années. Ce qui nous permet d'expliquer son fonctionnement alors que le système est établi, et de ne pas se soucier du moment de transition lors de sa mise en place. D'autre part nous allons fixer certains paramètres avec des chiffres raisonnables, comme par exemple le nombre de thématiques contenues dans l'arbre, ou le rythme de désignation des thématiques.

On considère un arbre qui contient 200 thématiques, et que le Forum désigne deux thématiques par mois. Il faut donc 100 mois pour parcourrir toutes les thématiques, soit environ 8 ans. Ce qui correspond également en moyenne au temps qui sépare deux désignations d'une même thématique. Ce rythme de travail est un bon compromis entre le temps d'analyse d'une thématique soumise au vote (2 semaines), et le temps que met le système à revenir sur le même sujet (8 ans). C'est aussi le temps moyen pour qu'un acteur du système ait rencontré une fois tous les domaines de compétences de l'État. Cela veut dire aussi qu'en moyenne un citoyen verra passer 10 fois la même thématique dans sa vie (en supposant une espérance de vie de 80 ans).

Si on laissait la désignation s'effectuer dans l'ensemble des thématiques sans contrainte, on pourrait se retrouver dans la situation où une même thématique est désignée plusieurs fois dans un intervalle de temps très court, alors que d'autres n'ont pas été désignées du tout. Afin d'assurer le roulement des décisions sur toutes les thématiques, et afin d'assurer la stabilité de la prise de décision, une fois un vote effectué sur une thématique, celle-ci est gelée pendant une durée de 7 ans, c'est-à-dire qu'elle ne peut être désignée durant cette période. Durant les 7 dernières années d'activité de l'arbre, de nombreuses thématiques ont été votées, et sont donc toujours gelées. Plus précisément comme il y a 12 mois par an et que 2 thématiques par mois sont votées, cela signifie qu'il y a 12 x 2 x 7 = 168 thématiques qui sont gelées. L'ensemble des thématiques qui peuvent être désignées est donc réduit à 200 - 168 = 32 thématiques. Ces thématiques dégelées sont donc mises en lumière. Chacune d'entre elle peut être sélectionnée lors de la prochaine désignation par le Forum. En tant qu'auteur d'une proposition parmi ces thématiques, c'est le moment de faire une dernière relecture de son projet. Si la thématique dans laquelle la proposition est classée est désignée, alors les auteurs ne pourront plus en modifier le contenu.

La taille globale de l'arbre - le nombre de thématiques qu'il contient - est un paramètre important. Plus il contient de thématiques, plus le temps de gel des thématiques est important, autrement dit plus le système est lent. Au-delà de cet aspect global, la structure locale de l'arbre est également importante. Si une branche de l'arbre contient plus de thématiques qu'une autre, il y a statistiquement plus de chances pour qu'elle soit désignée, ce qui signifie que plus de périodes de vote seront consacrées à cette branche, ce qui lui donne une importance supplémentaire. Ce n'est pas un mal en soit, on imagine bien que certains domaines de compétences de l'État requiert plus d'attention que d'autres, surtout que ce découpage en domaines est largement arbitraire. On comprend bien que la structuration précise de l'arbre aura donc des conséquences sur les prises de décisions, et sur le temps consacré à chaque domaine de compétence de l'État. Un arbre bien construit doit consacrer relativement plus de thématiques sur les sujets cruciaux, tout en conservant un nombre global de thématiques raisonnable de façon à ce que le système ne soit pas trop lent. Cette construction de l'arbre des thématiques est confiée au Conseil du Forum, il peut mettre à jour la structure de l'arbre tous les 5 ans.

II.III.II - Présélection des propositions (étape II)

Une fois la thématique désignée par le Forum, on n'engage pas directement la procédure de vote. On effectue d'abord une présélection des propositions qu'elle contient. Il ne fait pas sens de soumettre au vote des propositions inapplicables ou irréalistes. Ainsi le budget des propositions présélectionnées doit être correctement évalué et justifié. De plus ces propositions doivent être cohérentes juridiquement. Par exemple, elles ne peuvent pas entrer en contradiction avec le droit européen ou avec la Constitution (dans le cas de propositions qui ne la remettent pas en cause). Par ailleurs, il ne faut pas que tout le travail repose sur le citoyen. On lui facilite la tâche du vote en lui proposant de classifier 5 propositions et non de faire une classification parmi toutes les propositions de la thématique (le nombre de propositions contenues dans une thématique n'est pas limité). La procédure de présélection délivre donc un ensemble de 5 propositions.

On rappelle que jusqu'à ce stade, les auteurs sont laissés totalement libres dans leur rédaction, et il n'y a pas de limite du nombre de propositions contenues dans une thématique. On peut donc s'attendre à plusieurs dizaines voire centaines de propositions contenues dans une thématique. Parmi elles, une grande proportion n'est probablement plus active ou n'a pas abouti à un projet concret, et une faible minorité se démarque par sa qualité et sa popularité. Afin de filtrer parmi toutes les propositions de la thématique, on propose de recourrir à deux juges.

Le premier juge est l'Administration centrale (plus précisément le Conseil du Forum, la Cour des comptes et éventuellement le Conseil constitutionnel) qui doit juger de la qualité formelle de la proposition. Il s'agit d'un jugement technique et froid, qui dans l'idéal devrait être totalement découplé d'un jugement du contenu politique du projet. Est-ce que la forme d'une proposition est bien respectée ? Est-ce que le budget est bien justifié ? Est-ce que les aspects juridiques sont cohérents ? Il semble impossible de ne pas recourrir à l'Administration dans cette procédure de présélection, car il ne ferait pas sens de proposer au vote une proposition inapplicable, même si celle-ci est très populaire.

Le second juge, ce sont les utilisateurs du Forum. Les citoyen(ne)s peuvent à tout moment exprimer leur soutien ou leur opposition à n'importe quelle proposition publiée dans l'Arbre. Au moment de la désignation de la thématique, l'Administration du Forum fait la somme des opinions de tous les utilisateurs pour toutes les propositions hébergées, en attribuant un point positif en cas de soutien, et un point négatif en cas d'opposition de la part d'un utilisateur. On attribue ainsi une note à chaque proposition, qui quantifie sa popularité parmi les utilisateurs du Forum. L'Administration du Forum peut ainsi classifier les propositions de la plus populaire à la moins populaire (voir la figure suivante). On attend des utilisateurs un jugement de la forme des propositions, mais surtout un jugement du projet politique. L'analyse des utilisateurs a peu de chance d'aller aussi en profondeur que l'analyse de l'Administration sur les aspects juridiques et budgétaires. Cependant ils sont autorisés à exprimer un avis subjectif sur la valeur du projet politique défendu, contrairement à l'Administration qui se doit de conserver un avis aussi neutre que possible.

Il faut noter que l'utilisation des soutiens des utilisateurs pose des problèmes de sécurité importants. Que se passerait-il si ces soutiens des utilisateurs étaient révélés publiquement dans le cas d'un piratage informatique ? Ne serait-ce pas presque comme si on révélait les votes des utilisateurs du Forum ? Il faut donc considérer sérieusement la sécurité informatique du Forum et en particulier garantir un accès anonyme aux citoyens.

Finalement, la procédure de présélection des propositions peut être résumée avec le schéma suivant.

Elle se déroule donc comme suit :

  • (1) À la suite de la désignation de la thématique, l'Administration du Forum calcule la somme des soutiens et des oppositions pour toutes les propositions et effectue la classification des propositions en fonction de leur popularité. Elle transmet la liste des 10 propositions les plus populaires au Conseil du Forum et à la Cour des comptes. De cette façon l'Administration n'évalue pas toutes les propositions de la thématique (ce qui représenterait un travail énorme car le nombre de propositions par thématique n'est pas limité) mais uniquement les 10 plus populaires.
  • (2) Le Conseil du Forum et la Cour des comptes sont chargés de noter ces 10 propositions selon plusieurs critères qualitatifs. Le Conseil du Forum évalue les aspects de forme et les aspect juridiques des propositions. Il peut saisir le Conseil constitutionnel en cas de doute sur la constitutionalité d'une proposition. La Cour des comptes évalue les aspects budgétaires des propositions. Ils rendent un rapport public pour chacune d'entre elles qui contient notamment un avis quant à la validité de chacune des propositions pour être soumise au vote. Ils peuvent rendre trois avis différents : valide , dans ce cas la proposition peut être présentée au vote sans modification; valide sous réserve , dans ce cas l'institution valide la proposition sous réserve que l'auteur effectue les modifications mineures qui lui sont demandées; invalide , dans ce cas la proposition ne peut pas être présentée au vote. Si parmi ces 10 propositions, moins de 5 sont validées par l'Administration, alors la thématique est invalidée et ne sera pas votée. Le Conseil du Forum devra décider si cette thématique est maintenue (si la thématique a été ouverte trop récemment, alors il se peut qu'il n'y ait pas eu assez de temps pour que suffisamment de propositions de qualité soient rédigées), ou si elle doit être fusionnée avec une autre thématique proche de façon à élargir le sujet traité, et ainsi que la thématique contienne plus de propositions. Ce mécanisme de fusion des thématiques invalides permet de limiter la taille de l'Arbre à un nombre raisonnable de thématiques.
  • (3) Si parmi ces 10 propositions, 5 propositions ou plus sont validées, alors les 5 plus populaires sont transmises pour l'étape de vote.

II.III.III - Vote d'une thématique (étape III)

À l'ouverture de la période de vote, 5 propositions ont donc été présélectionnées. Elles correspondent à des propositions qui ont connues un certain succès parmi les utilisateurs du Forum qui se sont intéressés à cette thématique puisqu'ils leurs ont apporté leur soutien. De plus elles ont reçu la validation de l'Administration centrale, chacune d'elles présente donc un projet cohérent en terme budgétaire et juridique. Il faut qu'au terme de cette période seule une proposition soit promulguée, ou alors aucune.

Bien que le vote électronique permettrait de beaucoup simplifier les dépouillements, on choisit un scrutin papier pour la prise de décision. La sécurité du vote électronique ne convainc pas jusqu'à maintenant les experts de la question. Le traitement d'un vote papier est aussi plus compréhensible et rassurant.

Toutes les thématiques sont votées par référendum. Comme indiqué précédemment, on suppose un rythme d'un dépouillement toute les deux semaines. Le nombre de scrutins est donc nettement plus élevé et régulier que sous la Vème République. Cette difficulté semble insurmontable. En cherchant à proposer un système politique dans lequel le citoyen a des moyens d'expression plus riches, on se heurte nécessairement à ce qu'il puisse s'exprimer plus souvent. On craint donc que les citoyens doivent se rendre au bureau de vote de façon trop fréquente, et ainsi que le système soit rendu invivable dans la pratique.

Afin de limiter ce phénomène, le vote est pratiqué d'une manière différente. Alors que sous la Vème République, le vote est en général ouvert sur une journée, la période de vote d'une thématique sous la dL est de deux mois. On offre au citoyen une flexibilité plus grande. Il est plus libre de choisir la date où il va se déplacer pour aller voter. Surtout, le gros avantage de ce système est que les périodes de votes de plusieurs thématiques se recoupent. En permanence, 4 votes de thématiques sont ouverts. Ainsi le citoyen souhaitant optimiser son nombre de déplacements au bureau de vote peut s'y déplacer une fois tous les deux mois sans louper de scrutin, comme il est illustré sur la figure suivante. Au final, même si globalement la dL est un système plus engageant pour le citoyen que la Vème République, grâce à ce système de vote glissant, il devient imaginable de le concilier avec la vie quotidienne.

Les bureaux de vote sont donc ouverts de façon continue. La permanence des bureaux est assurée par des citoyen(ne)s tirés au sort dans la liste électorale de la commune, renouvelée toutes les semaines.

La méthode de vote retenue est la méthode Borda. Un vote valide classifie les 5 propositions par ordre de préférence. 5 points sont attribués à la proposition la mieux classée, puis 4 à la deuxième, et ainsi de suite. Celle classée en dernier reçoit 1 point. Au moment du dépouillement, les points reçus pour chaque proposition sont additionnés parmi tous les votes. La proposition qui obtient le plus de points est adoptée par le Forum, elle entre en phase d'exécution. Ce qui clôture la procédure de prise de décision sous la dL.