classée dans la thématique Administration pénitentiaire

Version 20

archivée le 15/01/2024
Augmentation de la part du budget de l'État consacrée aux prisons
Cette loi impose l'application et la mise en œuvre des réquisitions de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en ce qui concerne les droits fondamentaux des détenus dans les prisons françaises. Cette loi propose par exemple d'améliorer les conditions minimales d'incarcération, et d'assurer un suivi médico-socio-psychologique.

Motifs

Introduction

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné la France en 2020 et en 2023 pour dénoncer l'état désastreux des prisons françaises, dans lesquelles sont observées "des atteintes graves aux droits fondamentaux" des détenus [CEDH20][CEDH23]. Les conditions de détention sont aussi vivement critiquées par des institutions nationales, notamment la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté [Mon23].

Le taux moyen de surpopulation carcérale en France est mesuré autour de 115% depuis plusieurs décennies [Mon20]. C'est donc un problème structurel qu'on considère comme le symptôme d'un sous-financement cronique des centres de détention. Il est donc indispensable d'augmenter les financements récurrents de l'administration pénitentiaire pour améliorer les conditions de détention et les conditions de travail des personnels.

Cette proposition défend une augmentation importante de la part du budget annuel de l'État dédié au programme "Administration pénitentiaire" (PGM107).

Elle sera financée par une légère diminution de l'énorme budget annuel dédié au programme d'équipement des forces armées (PGM146).

État actuel de la thématique

L'administration pénitentiaire est un service du ministère de la Justice. Elle gère les établissements pénitentiaires ainsi que les personnels qui y travaillent. Elle représente environ 41000 fonctionnaires et son budget annuel est de l'ordre de 3,3 milliards d'euros [VP]. Ce dernier correspond au programme 107 du budget général de l'État (PGM107).

La surpopulation carcérale en France est un problème structurel, comme l'indique notamment les statistiques de cette administration. On peut y constater que la moyenne de la densité carcérale sur toute la France, qui correspond au rapport du nombre de personnes détenues sur le nombre de places opérationnelles dans les prisons françaises, est de l'ordre de 115% depuis plus de trois décennies [Tableau 3, SSJ]. Ce qui correspond par exemple pour l'année 2022 à 8699 personnes détenues sans lit attribué. Cette situation semble toucher particulièrement les maisons d'arrêts, qui gèrent les personnes en attente de jugement et les détenus pour de courtes peines. En 2022, on y observe un taux de surpopulation carcérale moyenne de 132,7% [Tableau 9, SSJ].

Le projet gouvernemental le plus récent pour gérer cette situation est le "plan 15000", qui a été annoncé en 2018 [PIP]. Il prévoit la construction de 15000 places supplémentaires dans les prisons française d'ici 2027, dont 7000 d'ici 2022. Ce dernier objectif est loin d'être atteint puisqu'on observe en 2022 moins de 1000 places supplémentaires par rapport à 2018 [Tableau 3, SSJ]. Sur le site de l'Agence publique pour l'immobilier de la Justice (APIJ), on compte environ 3000 places supplémentaires dans les projets pénitentiaires en cours de construction, qui seront livrés entre 2023 et 2027 [APIJ], dont moins de 1000 en maisons d'arrêts. On note que ce décompte est généreux, car la mise en service d'un nouvel établissement pénitentiaire peut s'accompagner de la fermeture d'établissements plus anciens, la création nette de places en prison est donc ici surévaluée. On constate donc que le plan 15000, qui devrait s'achever en 2027, ne suffira pas à résoudre le problème de la surpopulation carcérale. Un effort financier sur le long terme est à réaliser, alors qu'un projet de construction d'un établissement pénitentiaire peut s'étaler sur dix ans.

Le centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach est une illustration concrète d'une réalisation récente de l'administration pénitentiaire. Il a été inauguré en 2021. Ce nouveau centre a une capacité de 520 places. Il s'est accompagné de la fermeture des maisons d'arrêt de Colmar et Mulhouse. Cette construction correspond donc finalement à une création nette de 123 places supplémentaires [Mul]. Le coût du projet est de 106M€ [Mul2]. Ce qui nous permet d'estimer grossièrement le coût d'une place supplémentaire en prison à 1M€.

Argumentation

La surpopulation carcérale en France pourrait être imputée à une trop grande sévérité du système judiciaire français. Cependant, si on compare le taux d'incarcération en France par rapport aux autres pays dans le monde [WPB], on constate qu'elle est placée dans la deuxième moitié du classement mondial, ce qui ne semble pas aller dans ce sens. Surtout, même dans le cas d'une diminution importante du nombre de détenus, dont il faudrait préciser le mécanisme, l'augmentation du budget alloué à l'administration pénitentiaire permettrait d'aller vers une détention moins punitive et plus humaine. En défendant une simple augmentation du budget de l'administration pénitentiaire, on prend donc une position simple et pragmatique, susceptible de rassembler un accord large des votants de la thématique, afin que les conditions de détention s'améliorent relativement rapidement, c'est-à-dire dans la décennie suivant l'adoption de la proposition. On laisse le soin à d'autres propositions, ou peut-être à une version ultérieure de celle-ci, de proposer des mécanismes de régulation carcérale permettant de diminuer le nombre de détenus. Cette dernière solution semble en effet être défendue par de nombreux acteurs du sujet [OIP], mais est probablement plus controversée, donc plus difficile à mettre en place rapidement.

Exécution

Lorsque cette proposition sera adoptée, son texte de loi sera directement promulgué. Cette nouvelle loi imposera donc une contrainte sur les lois de finances qui seront promulguées après la date d'adoption de cette proposition.

Il n'est pas nécessaire d'associer à cette proposition un groupe exécutant, puisque son exécution consiste uniquement en la promulgation de son texte de loi.

On note que cette proposition ne contraint pas l'utilisation des ressources budgétaires qu'elle dégage. L'administration pénitentiaire est jugée compétente pour utiliser au mieux ces nouvelles ressources afin d'améliorer les conditions de détention dans ses établissements, ainsi que les conditions de travail de ses personnels.

Références

[APIJ] Les opérations pénitentiaires en cours, APIJ

[CEDH20] Communiqué de presse de la CEDH, affaire J.M.B. et autres c. France (2020)

[CEDH23] Communiqué de presse de la CEDH, affaire B.M. et autres c. France (2023)

[Mon20] Surpopulation, matelas au sol et crasse : la France condamnée par la justice européenne pour ses prisons, Le Monde (2020)

[Mon23] La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté alerte une nouvelle fois sur les conditions de détention déplorables, Le Monde (2023)

[Mul] Le centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach entre en service, Ministère de la Justice (2021)

[Mul2] Centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach, APIJ (2022)

[OIP] Surpopulation carcérale et conditions de détention indignes : la France à nouveau condamnée par la CEDH, Observatoire international des prisons (2023)

[PIP] Plan immobilier pénitentiaire : 15000 places, Ministère de la Justice (2018)

[SSJ] Séries statistiques des personnes placées sous main de justice : 1980-2022, Direction de l'administration pénitentiaire (2022)

[VP] Qu'est-ce que l'administration pénitentiaire ?, vie-publique.fr (2022)

[WPB] Highest to Lowest - Prison Population Rate, World Prison Brief

Annexes

Transfert de budgets du PGM146 au PGM107

Les données présentées dans les tableaux suivants proviennent du site officiel du budget de l'État [Bud]. Pour chaque année, on se réfère au projet de loi de finances (PLF), budget général, autorisation d'engagement (AE). Les chiffres sont arrondis à deux chiffres significatifs.

On se place dans un scénario sur la période 2019-2023 où le budget annuel du PGM146 Équipement des forces aurait été contraint à ne pas dépasser 4% du budget général. On évalue le total des ressources dégagées sur la période.

Dans le tableau suivant, les colonnes 2 et 3 présentent les chiffres officiels du budget de l'État par année, la 4e colonne correspond à 4% du budget général (BG) en milliards d'euros (Md€). La dernière colonne correspond à la différence entre la colonne 3 et la colonne 4, sauf dans le cas où cette différence est négative, dans ce cas on indique zéro. Cette dernière colonne représente l'économie réalisée pour le budget général dans le cas où les dépenses sur ce programme auraient été plafonnées à 4% du BG sur la période.

On en conclut que 17Md€ auraient été dégagés sur la période (ce qui correspond à une baisse de 17% du budget alloué au programme).