classée dans la thématique Administration pénitentiaire

Version 6

archivée le 22/11/2023
Augmentation de la part du budget de l'État consacrée aux prisons
Cette loi impose l'application et la mise en œuvre des réquisitions de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en ce qui concerne les droits fondamentaux des détenus dans les prisons françaises. Cette loi propose par exemple d'améliorer les conditions minimales d'incarcération, et d'assurer un suivi médico-socio-psychologique.

Motifs

Introduction

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné la France en 2020 et en 2023 pour dénoncer l'état désastreux des prisons françaises, dans lesquelles sont observées "des atteintes graves aux droits fondamentaux" des détenus [CEDH20][CEDH23]. Les conditions de détention sont aussi vivement critiquées par des institutions nationales, notamment la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté [Mon23].

Le taux moyen de surpopulation carcérale en France est mesuré autour de 115% depuis plusieurs décennies [Mon20]. C'est donc un problème structurel qu'on considère comme le symptôme d'un sous-financement cronique des centres de détention. Il est donc indispensable d'augmenter les financements récurrents de l'administration pénitentiaire pour améliorer les conditions de détention et les conditions de travail des personnels.

Cette proposition défend une augmentation importante de la part du budget annuel de l'État dédié au programme "Administration pénitentiaire" (PGM107).

Elle sera financée par une légère diminution de l'énorme budget annuel dédié au programme d'équipement des forces armées (PGM146).

État actuel de la thématique

L'administration pénitentiaire est un service du ministère de la Justice. Elle gère les établissements pénitentiaires ainsi que les personnels qui y travaillent. Elle représente environ 41000 fonctionnaires et son budget annuel est de l'ordre de 3,3 milliards d'euros [VP]. Ce dernier correspond au programme 107 du budget général de l'État (PGM107).

La surpopulation carcérale en France est un problème structurel, comme l'indique notamment les statistiques de cette administration. On peut y constater que la moyenne de la densité carcérale sur toute la France, qui correspond au rapport du nombre de personnes détenues sur le nombre de places opérationnelles dans les prisons françaises, est de l'ordre de 115% depuis plus de trois décennies [Tableau 3, SSJ]. Ce qui correspond par exemple pour l'année 2022 à 8699 personnes détenues sans lit attribué. Cette situation semble toucher particulièrement les maisons d'arrêts, qui gèrent les personnes en attente de jugement et les détenus pour de courtes peines. En 2022, on y observe un taux de surpopulation carcérale moyenne de 132,7% [Tableau 9, SSJ].

Le projet gouvernemental le plus récent pour gérer cette situation est le "plan 15000", qui a été annoncé en 2018 [PIP]. Il prévoit la construction de 15000 places supplémentaires dans les prisons française d'ici 2027, dont 7000 d'ici 2022. Ce dernier objectif est loin d'être atteint puisqu'on observe en 2022 moins de 1000 places supplémentaires par rapport à 2018 [Tableau 3, SSJ]. Sur le site de l'Agence publique pour l'immobilier de la Justice (APIJ), on compte environ 3000 places supplémentaires dans les projets pénitentiaires en cours de construction, qui seront livrés entre 2023 et 2027 [APIJ], dont moins de 1000 en maisons d'arrêts. On note que ce décompte est généreux, car la mise en service d'un nouvel établissement pénitentiaire peut s'accompagner de la fermeture d'établissements plus anciens, la création nette de places en prison est donc ici surévaluée. On constate donc que le plan 15000, qui devrait s'achever en 2027, ne suffira pas à résoudre le problème de la surpopulation carcérale. Un effort financier sur le long terme est a réaliser, alors qu'un projet de construction d'un établissement pénitentiaire peut s'étaler sur dix ans.

Le centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach est une illustration concrète d'une réalisation récente de l'administration pénitentiaire. Il a été inauguré en 2021. Ce nouveau centre a une capacité de 520 places. Il s'est accompagné de la fermeture des maisons d'arrêt de Colmar et Mulhouse. Cette construction correspond donc finalement à une création nette de 123 places supplémentaires [Mul]. Le coût du projet est de 106M€ [Mul2]. Ce qui nous permet d'estimer grossièrement le coût d'une place supplémentaire en prison à 1M€.

Références

[APIJ] Les opérations pénitentiaires en cours (site de l'APIJ)

[CEDH20] Communiqué de presse de la CEDH, affaire J.M.B. et autres c. France (2020)

[CEDH23] Communiqué de presse de la CEDH, affaire B.M. et autres c. France (2023)

[Mon20] https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/01/30/surpopulation-dans-les-prisons-la-france-condamnee-par-la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme_6027767_3224.html

[Mon23] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/11/la-controleuse-generale-des-lieux-de-privation-de-liberte-alerte-une-nouvelle-fois-sur-les-conditions-de-detention-deplorables_6172887_3224.html

[Mul] Annonce de la mise en service de la prison de Mulhouse. Ministère de la Justice (2021) https://www.justice.gouv.fr/actualites/actualite/centre-penitentiaire-mulhouse-lutterbach-entre-service

[Mul2] Livret APIJ sur le centre de Mulhouse-Lutterbach, https://www.apij.justice.fr/fichier/i_download/3568/apij.livret.lutterbach.web.pdf

[OIP] https://oip.org/communique/surpopulation-carcerale-et-conditions-de-detention-indignes-la-france-condamnee-par-la-cedh-cour-europeenne-droits-de-homme/

[PIP] https://www.justice.gouv.fr/actualites/actualite/plan-immobilier-penitentiaire-15000-places-supplementaires

[SSJ] Séries statistiques des personnes placées sous main de justice (2022). https://www.justice.gouv.fr/sites/default/files/2023-04/PPSMJ_2022_vf.pdf

[VP] https://www.vie-publique.fr/fiches/268772-quest-ce-que-ladministration-penitentiaire

[WPB] https://www.prisonstudies.org/highest-to-lowest/prison_population_rate?field_region_taxonomy_tid=All